Publié
dans Le
Jour,
23
septembre,
1939
Je
ne
me
rappelle
plus
qui
a
dit
que
« l’éloquence
est
un
mensonge ».
Jamais,
cependant,
je
n’ai
si
bien
compris
tout
ce
que
cette
formule
pouvait
avoir
de
vrai,
de
juste,
que
mardi
après-midi,
en
écoutant
crachoter
Hitler.
Indépendamment
des
phrases,
outre
les
faussetés
énoncées
explicitement
dans
son
discours,
j’ai
surpris
le
mensonge
de
la
voix,
de
l’expression,
de
l’émotion,
des
silences,
des
crescendos
et
de
tout
le
pathos
qu’un
énergumène
comme
Adolphe
peut
mettre
en
branle
pour
manier
les
foules.
À
certains
moments,
son
auditoire
a
hurlé
comme
une
meute.
Et
pas
à
cause
des
mots,
veuillez
m’en
croire.
Hitler
n’a
dit
que
des
choses
fort
banales
en
somme;
la
traduction
anglaise
qui
suivait,
nous
a
renseignés
là-dessus.
Pourtant
il
a
été
très
applaudi.
Tout
en
faisant
la
part
de
l’organisation,
de
la
« claque »,
je
crois
pouvoir
affirmer
que
le
peuple
de
Dantzig
a
été
soulevé
bien
plus
par
la
mimique,
les
sanglots
et
les
colères-
d’un
acteur
macabre
que
par
les
promesses
d’tin
faux
défenseur
des
opprimés.
«
Si
les
Anglais
veulent
faire
de
la
propagande,
ils
pourront
venir
prendre
des
leçons
chez
nous
»
s’est
écrié
Hitler.
C’est
là
l’unique
phrase
sensée
que
le
Führer
ait
prononcée
durant
tout
son
discours.
La
propagande,
voilà
le
château
fort
du
nazisme.
C’est
elle
qui
lui
a
donné
le
pouvoir,
c’est
elle
qui
le
lui
conserve.
On
a
répété,
crié,
gueulé,
vomi;
on
a
ordonné,
tambouriné,
claironné
sur
tous
les
tons,
dans
tous
les
endroits
et
en
toutes
circonstances,
ce
commandement
primordial
et
unique
de
voir
blanc
quand
le
Chef
voit
blanc
et
rouge
quand
le
Chef
voit
rouge.
Aujourd’hui,
le
Chef
voit
rouge.
Et
cette
obéissance
ne
s’obtient
pas
à
l’aide
d’une
logique
pondérée,
irréfutable.
Non.
Quand
on
présente
une
doctrine
qui
répugne
au
gros
bon
sens,
ce
moyen-là
ne
mène
pas
loin.
La
contrainte,
une
technique
achevée
de
la
surexcitation
des
masses,
de
bons
gosiers
qui
crient
tous
et
toujours
dans
le
même
sens;
tels
sont
les
procédés
qu’on
emploie
en
Hitlérie
pour
abrutir
le
troupeau
humain.
Malgré
tout,
ironie
suprême,
on
fera
croire
à
l’Allemand
qu’il
est
un
homme
supérieur,
tout
en
lui
affirmant
qu’il
n’a
aucune
espèce
d’aptitude
à
juger
quoi
que
ce
soit.
Mais
la
mise
en
scène,
le
déploiement
militaire,
la
cadence
du
« pas
d’oie »,
les
éclats
de
voix
des
orateurs
et
le
camp
de
concentration
ont
le
pouvoir
magique
d’harmoniser
toutes
les
contradictions,
de
masquer
tous
les
accrocs
faits
à
la
logique.
Propagande !
quelle
réalité
squelettique
ne
couvres-tu
pas
de
ton
ombre !
Gilles
HÉNAULT